Comme beaucoup l’ont enfin compris, la psychologie spirituelle est devenue un grand fourre-tout. Même s’il peut paraître utile à notre époque désacralisée de chercher à concilier psychologie et spiritualité, il convient en revanche de ne pas confondre systématiquement les deux. Or, il apparaît bien que cette méprise soit encore très courante chez les thérapeutes holistiques ou ceux qui revendiquent une thérapie non duelle. C’est pourquoi il me paraît opportun de rappeler ici quelques fondamentaux métaphysiques, qui nous aideront à comprendre qu’on se trompe souvent d’étage. S’il est indéniable que la vie spirituelle soit un facteur d’équilibre et de confort psychologique, en revanche il est préjudiciable qu’on laisse croire aux gens que de simples exercices de méditation ou de danse chamanique autour d’un feu de camp régleront leurs problèmes psychologiques…
Spi VS Psy
Le débat n’est pas récent. Et il y a bien longtemps que ces deux antagonistes que sont le guide spirituel et le psychologue se confrontent dans un dialogue de sourds.
D’un côté, nous avons donc des psys (pour ne pas dire psychanalystes), athées la plupart du temps, qui désavouent la dimension spirituelle de la vie, parce que pour eux la spiritualité et la religion sont de pures constructions névrotiques servant à masquer des complexes inconscients.
De l’autre, nous avons des spiritualistes, qui cherchent des réponses à leurs questionnements métaphysiques dans les religions ou bien dans les voies spirituelles tant orientales qu’occidentales. Mais ils ont une certaine tendance à réfuter ou à se méfier des théories psychanalytiques et des psychothérapies en général, prétextant par là n’en avoir nullement besoin.
Au milieu, nous avons des thérapeutes transpersonnels qui font bien quelques efforts de conciliation, mais qui n’en peuvent plus, malgré tout, de tout mélanger à la sauce chakra et autres vies antérieures…
Spiritualité ou religion?
Depuis, les travaux des grands précurseurs de la psychologie transpersonnelle comme Jung, Maslow, Rogers, Assagioli, Franckl, Grof, Wilber (et quelques autres), on sait de façon pertinente que le sens du sacré en l’homme est fondamental.
Sans vie spirituelle, il semble que nous soyons tout bonnement malheureux.
Cependant, comme la logique l’impose, si on veut vraiment restaurer la dimension spirituelle dans la vie de quelqu’un qui souffre (à commencer par soi-même), il faut lui offrir pour cela des outils métaphysiques qui s’appuient sur un socle traditionnel et philosophique solide.
Et ce n’est certainement pas avec un tambour, une plume et un peu d’encens à la sauge qu’on va y arriver…
Or, qui d’autres que les mystiques et religieux antiques ayant exploré et exploité la dimension spirituelle à outrance depuis des siècles pourront le mieux nous renseigner sur ce sujet?
Les trois étages de la conscience humaine
Que nous enseigne donc notre métaphysique occidentale, et particulièrement son anthropologie religieuse?
Que l’homme est un être tripartite.
Qu’il est donc fait de trois éléments distincts que sont le corps, l’âme et l’esprit.
Que la vie spirituelle n’a jamais été autre chose qu’une tentative de réunion de ces trois-là, selon des protocoles occultes qui sont l’apanage des grandes traditions sacrées de l’humanité.
Des protocoles qui restent pourtant et malheureusement ignorés de la plupart des thérapeutes holistiques depuis que l’Occident, laïcisé de fond en comble et pollué par ses doctrines nouvelâgeuses, a rompu ses attaches avec sa propre tradition millénaire.
Les ravages du newage
Des réponses spirituelles préfabriquées, le newage n’en manque pas!
On constate partout avec quelle suffisance celles-ci sont défendues par un public peu instruit et qui consomme autant de spiritualités que d’objets technologiques.
Le tout, tout de suite, et sans effort, paraît donc avoir eu raison de la vie sacrée en Occident. Puisqu’il suffit aujourd’hui le lire un livre d’Eckhart Tolle pour se dire spirituel. Comme si Eckhart Tolle avait inventé à lui tout seul le grand instant présent…
D’autres encore se réfugient dans les bouddhismes mondains ou encore dans les innombrables stages chamanisés, où se mélangent pêle-mêle le développement personnel, les thérapies psycho-corporelles et autres pseudo-tantrismes orientaux…
Dans ces univers peuplés d’une souffrance qui s’ignore, chacun est une âme multi-réincarnée, à la recherche de son enfant intérieur et donnant des soins énergétiques à qui mieux mieux, tout en arborant fièrement son dernier diplôme de 3ème degré en Réiki…
La vague à l’âme…
Il n’y a pas que les campagnes qui se désertifient en Occident.
Les consciences aussi. En particulier pour ce qui concerne le niveau d’instruction métaphysique et religieuse.
On a jamais autant parlé de spiritualité qu’à notre époque, tout en affichant en même temps une ignorance crasse en la matière.
C’est stupéfiant, et pour donner un exemple flagrant de cet état de fait, parlons de l’âme.
De nos jours, les gens parlent de leur âme comme si celle-ci constituait l’étage spirituel de leur conscience.
Or, cette vision est aussi inconsistante et incohérente que d’affirmer que le foie est à gauche.
Eh bien, non, désolé, malgré toute la compassion qu’on peut avoir pour l’ignorance, il est faux de dire que l’âme est la partie spirituelle de l’homme, quand on sait depuis l’aube des temps qu’elle est en fait son étage purement psychique.
A quel étage habitez-vous?
La grande méprise qu’il faut clairement dénoncer à notre époque, c’est donc d’avoir mélangé les dimensions psychique et spirituelle.
Et c’est malheureusement ce qu’encouragent de trop nombreux coachs et thérapeutes transpersonnels, en confondant développement personnel et chemin spirituel.
Les Antiques ne commettaient pas cette grossière erreur.
Avant que d’engager une personne dans un parcours spirituel ou initiatique, il convenait de lui faire d’abord subir un nettoyage psychique, ce qui correspondrait aujourd’hui à faire une thérapie.
Or, de nos jours, on fait croire aux gens qu’une spiritualité de façade peut tout régler et qu’il suffit, pour aller mieux, de lire quelques livres de channeling complaisants ou d’adhérer à des syncrétismes spirituels sans aucun fondement traditionnel.
La teneur réelle des voies spirituelles
Toute voie spirituelle répond à une tradition et à une lignée initiatique.
Peu importe son origine géographique ou ethnique, on ne peut faire un travail spirituel authentique sans s’inscrire dans une tradition donnée.
Les ordres initiatiques, quelle que soit leur orientation, n’ont jamais perdu de vue cette nécessité.
A l’opposé, le newage a laissé croire en la possibilité d’une démarche spirituelle autonome et personnelle. C’est-à-dire, une attitude d’électron libre qui papillonne et s’affranchit de toute adhérence à un héritage ancestral.
Et ce n’est pas en opposant constamment religion et spiritualité que cela changera quelque chose au problème. Étant donné que, selon toute cohérence, c’est à la religion qu’échoit normalement le rôle d’instruire et de conduire les voies spirituelles.
Une religion, bien sûr, qui n’a pas oublié ses propres racines initiatiques ni ne s’est perdue dans des conjectures politiques dévitalisantes.
Quelle alternative au newage?
Comme je l’ai expliqué dans d’autres articles, il semble que la religion ne suffise plus à nourrir les masses en quête de réponses. Trop encombrée sûrement par le poids des siècles et des controverses.
De son côté, si audacieuse soit-elle, la psychologie transpersonnelle et son acquiescement envers les doctrines superficielles du nouvel âge ne conduit pas à plus d’efficacité.
Que nous reste-t-il?
Il reste les voies initiatiques et traditionnelles. Un certain christianisme des origines en fait partie, mais pas que…
D’autres chemins sont possibles, alchimiques notamment, et dans la mesure où l’on ne cède pas à la facilité indulgente ni au dégrossissage systématique des principes métaphysiques qui les fondent.
La psychologie spirituelle existe-t-elle finalement?
Il est séduisant de chercher à établir ce rapport moderne entre spiritualité et psychologie.
Mais au fond, passé l’avantage qu’on en tire (moi le premier) en termes d’allocution et de titre, ce mariage reste néanmoins un non-sens métaphysique, puisque ces deux étages sont diamétralement différents et concernent deux démarches intérieures également distinctes.
En revanche, la différence n’implique pas forcément l’absence de communication.
C’est pourquoi il est plus correct de parler d’une psychologie qui intègre avec respect et intérêt la dimension spirituelle de l’existence au registre de ses sujets d’études honorables, plutôt qu’une psychologie faussement spiritualisée qui trahirait, ce faisant, les apports de discernement scientifique conséquents gagnés de haute lutte au cours des trois derniers siècles.
L’Occident doit retrouver sa virilité spirituelle!
«Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux…», est-il inscrit au fronton du temple de Delphes.
C’est donc bien que les Antiques étaient conscients que la connaissance spirituelle passe aussi par la connaissance de soi.
On peut donc attester formellement qu’il n’existe aucune évolution spirituelle qui ne débute par une démarche d’introspection courageuse.
Or, le courage, c’est précisément ce qui manque au newage et à ses acteurs, inspirés la plupart du temps par des ego mal situés. Ou bien, par des littératures qui ont tenu pour argent comptant de ces voix intérieures faussant le jugement et qui laissent à croire qu’on est éveillée alors même qu’il s’agit de fourvoiement.
Jean-Yves Leloup exprime, à mon sens, cette même pensée, avec toutefois la circonspection bienveillante qui le caractérise, lorsque, s’agissant du Jonas biblique, il écrit dans «Manque et plénitude» :
« Il n’est pas prêt à écouter n’importe quelle parole venue du fond de son désir, ni n’importe quelle sentimentalité qu’il prendrait pour de la compassion ou de l’amour divin. »
On ne peut pas être plus clair pour décrire en quoi la vision du newage a si mal influencé la psychologie transpersonnelle.
Et en quoi, également, le spiritualiste peut être habité d’obscurité lorsqu’il conclut hâtivement être l’objet d’une manifestation surnaturelle qui n’a souvent, et pourtant, d’autre origine que son propre fantasme.
Le thérapeute qui donne dans le spirituel aujourd’hui a donc le choix : inciter son client au dépistage de sa propre confusion, ou entretenir chez lui une alimentation spirituelle qui le maintient dans l’ego et la fatuité qui va avec.